Et sinon la Fashion Week de New York c’était comment ?
Par Perceval VINCENT
Paris, le 18 février 2017
Pour cette première Fashion Week de l’air Trump pas de Mélania au premier rang mais des créateurs plus que jamais engagés entre défiance, angoisse et ode à la diversité pour un climat aussi instable que révélateur d’une Monde qui change.
Raf Simons sonne le reveil de Calvin Klein
Sûrement l’événement le plus attendu de la semaine, le premier défilé du créateur belge pour Calvin Klein prend le chemin inverse du nouveau président Américain pour mieux redéfinir ce qu’est ou ce que n’est pas l’Amérique derrière une bande son qui annonce déjà du lourd avec un « This is not America » de David Bowie. Dans une ambiance quelque peu politisée, le créateur opte donc pour une collection hommage à l’Amérique en reflétant les multiples visages de ce pays. Cela se traduit directement par les silhouettes en pleine réinterprétations des stéréotypes américains. De l’homme d’affaire costume parfait du tout Wall Street au playboy des stades de foot en n’oubliant surtout pas le cowboy et son total look jean porté avec des santiags Raf Simons n’oublie personne jusqu’à représenter en clôt de spectacle un style plus préppy de l’Upper East Side. Un défilé bien hétéroclite en guise d’espoir et d’amour de son prochain.
Gypsy Sport
Dans le même esprit très politique, le créateur américain Rio Uribe cultive son goût de l’engagement en voulant clairement lutter pour « un monde nouveau, un monde décent, où nous pouvons faire de la place pour l’autre ». Un appel donc à la mobilisation citoyenne dans ce climat américain d’instabilité qui invite à prendre en considération son voisin tout en s’insurgeant des politiques régressives actuelles. Inspirée de son expérience personnelle au contacte des gens qui vivent dans les rues, et aux multiples rencontres que le créateur a pu faire en battant le pavé lors des multiples manifestations anti-Trump, la collection cherche donc à reconnecter les gens entre eux derrière une véritable notion de fraternité. Les silhouettes qui s’en dégagent naviguent entre des intonations fortes de tie&dies et multitude de patchwork fait de résille, velours, macramé et camouflage qui sonnent comme un dernier appel avant l’irréparable.
Jeremy Scott
En dieu du kitch, Jeremy Scott se devait de rendre hommage aux autres dieux qui nous entourent. Avec la collection de l’hiver prochain c’est désormais chose faite. En passant d’Elvis à Jesus sans oublier Mickaël Jackson ou Madonna, le créateur toujours très fort pour ce qui est de « popiser » une collection, se prête à son exercice préféré et habille la silhouette tantôt d’un perfecto aux empiècements léopard tantôt d’un pantalon à l’iconographie religieuse. Une approche irrévérencieuse façon "Cagole forever" riche de couleurs et de mélanges. L’allure est au disco dans toute cette mascarade de festivités qui retracent des centaines et des centaines d’heures de concerts passant de la pop au rock sans oublier le mouvement hyppie riche de patchwork et la révolution sexuelle qui l’accompagne. A coup de « sex is cute « le créateur revigore l’histoire au service d’une jeunesse se devant plus addicte de liberty face au conservatisme ambiant.
Maison The Faux
Très influencée par les années 90’, Joris Suk et Tessa de Boer marquent l’hiver prochain par leur outrageuse extravagance aussi questionnante qu’amusante. Reprenant en quelque sorte le slogan « il est interdit d’interdire », le duo de créateurs construit un Monde sans tabou où tout est admis, même la folie. Du coup hommes et femmes ne sont qu’un et la notion de genre totalement floue. La collection laisse donc place à des silhouettes en cuir verni embelli d’une multitude de lacets façon bandage life ou à des robes en denim ultra décolletées, zippées mais surtout bien déglinguées. Une allure "More is more and more is better" parfaite pour un retour sur les écrans de l’amour a ses raisons.
Lacoste
Avec pour thématique de saison l’espace, la nouvelle collection de Felipe Oliveira Baptista transpose le crocco dans des combinaisons en nylon pour mieux lui faire décrocher les étoiles. En apesanteur, le créateur justifie ainsi sa nouvelle collection comme étant une volonté de regarder vers l’avenir alors que le présent fout le camp. Une forme d’optimisme que Felipe souhaite offrir également en collaborant avec l’artiste Ron Miller, imprimant ici et là Saturne alors que les matières techniques donnent le pas à une silhouette futuriste quelque peu overlarge.
Ce regard vers les astres est aussi un hommage pour son père aviateur et René Lacoste, fondateur de la marque, qui après sa carrière de tennisman avait participé à la mise en place du Concorde et d’Airbus. Le coton, le cuir ou encore la laine, plus terre à terre s’affirment eux aussi dans des créations toujours très sportswear histoire de revenir aux fondamentaux de la marque et de souligner le retour annoncé, la saison prochaine, sur les podiums parisiens histoire de célébrer le 85ème anniversaire de la marque.
Vaquera (& Co)
Après s’être inspiré du caractère ultra capitaliste du marché Abercombie & Fitch la saison dernière, les créateurs à la tête de la maison Vaquera continuent leur approche satirique de la culture américaine en développant le vestiaire d’une jeunesse emprise de naïveté. Une occasion parfaite pour dépeindre l’iconique Tiffany & Co des années 2000. Reprenant de façon bien surjouée la signature en coeur des bijoux de feu la maison Tiffany, Vaquera dénonce le consumérisme irréfléchi dans des pièces surdimensionnées à l’excès. Normal donc de voir apparaitre une pochette à bijoux en satin se transformer en robe. La collection est également l'occasion de souligner l’omniprésence dans la vie outre-atlantique de ce rêve américain tant promis et de la dure réalité qui l'accompagne. Un rêve qui se transforme vite en cauchemar avec des silhouettes de mécanicien ou des soubrettes rappelant l'assujettissement des gens. Allez courage.